dimanche 13 mai 2007

ETHIQUE ET COMMUNICATION


Au Café Ethique de l'Association Lyonnaise d'Ethique Economique et Sociale, le thème "éthique et communication" était confié à Geneviève Brichet.

Voici son intervention:


LA COMMUNICATION ÉTHIQUE

Geneviève Brichet - café éthique ALEES

L’éthique étant avant tout questionnement, au cours de ces quelques réflexions sur l’éthique dans la communication, je m’attacherai surtout à poser des questions. A chacun d’entre vous de tenter d’y répondre et d’en discuter ensemble.

Tout d’abord fixons le champ de la réflexion :
Les techniques de communication commerciale visent à inciter à l’achat d’un produit, de préférence à son concurrent. Elles sont issues d’une logique marketing dont le but est d’introduire un produit sur un marché identifié afin de créer un retour sur investissement et donc de la valeur marchande.
La communication commerciale (j’entends par là aussi bien la publicité que les RP, la promotion des ventes, le marketing direct ou le packaging) est parmi les instruments de base d’une société d’économie néo-libérale où le profit est le but prioritaire.
Nous pouvons nous poser la question de l’éthique au sein d’une telle économie. Ma position aujourd’hui sera non pas de remettre en cause le système actuel, ce qui nous entraînerait vers un autre débat, mais d’examiner s’il est possible et comment on peut introduire de l’éthique au sein de ce système.
Pour clarifier, formons l’hypothèse que l’éthique implique une intention d’œuvrer dans le sens du Bien commun (non pas pour le Bien commun, ce qui n’est pas le but d’une démarche commerciale, mais dans son sens, c’est à dire pas en contradiction avec ce Bien commun)

Que se passe-t-il aujourd’hui ?

Les nouvelles demandes de la société
Aujourd'hui, des signes multiples démontrent clairement que le consommateur-citoyen commence à être demandeur d'éthique dans le monde des affaires, à travers le respect de Valeurs humaines et environnementales.
De leur côté, les entreprises sont conscientes qu’au-delà de leurs impératifs de profitabilité, elles ont un rôle citoyen à jouer dans l’avenir du monde. Elles adoptent les stratégies du DD à travers les concepts de gouvernance d’entreprise (qui prend en compte les diverses parties prenantes de l’entreprise) et de RSE (responsabilité sociale des entreprises)
Question 1 : s’agit-il là d’un nouveau marketing de l’éthique ou d’une nouvelle éthique du marketing?

Une prise de conscience de la puissance des marques
L’ouvrage NO LOGO a révélé les excès d’hégémonie des marques et la dépendance dans laquelle elles tiennent les consommateurs. Face à l’hyper-consommation, une certaine conscience se fait jour: récemment, le groupe Adbusters Media Foundation (casseurs de pub) ajoute à ses prises de position « culture jamming », l’action concrête avec le lancement de la BlackspotSneaker biodégradable (basket clone de la Converse de Nike), avec un point noir pour logo et dont l’achat vous arroge le droit d’être actionnaire de la société.
Question 2 : assiste-ton à une simple récupération, une provocation ou à une prise de conscience de la nécessité de communiquer différemment ?

Les relations au discours publicitaire
Le consommateur est-il autre chose qu’une machine à acheter ? quelles sont ses relations avec le discours publicitaire ? Analysons cette relation à travers ses comportements:
1ère posture :
- le consommateur continue à « jouer le jeu », sans pour autant être dupe de ce qu’on cherche à lui faire faire, mais il fait comme si parce qu’il intégre naturellement sa part de rêve dans son acte d’achat… Je sais bien que telle crème de beauté ne me fera pas retrouver mon visage de 20 ans, tel que le discours publicitaire veut me le laisser entendre, mais je me laisse volontiers emporter dans ce fantasme, et je fais taire mon jugement pour l’occulter par mon désir. En ce sens, je suis aliéné, mais un aliéné conscient ! cf la société du spectacle (Guy Debord). C’est le traditionnel hyper consommateur, cher à Lipovedsky, qui représente encore l’essentiel des consommateurs.
OU/ET : 2ème posture :
- le consommateur souhaite exercer son autonomie de jugement et devient « consom’acteur », conscient que son acte de consommer l’implique dans une acceptation (ou un refus) de partager (donc soutenir) les Valeurs affichées par le produit et les pratiques prônées par la marque. Je connais le discours publicitaire d’une marque de café, mais en parallèle, je sais que les droits des producteurs sont bafoués sur l’autel de la concurrence par la toute puissance des groupes de torréfacteurs qui leur achètent leur production à vil prix. Je recherche donc une marque de café respectueuse des droits des producteurs, quitte à accepter de payer plus cher. (se pose alors la question de savoir si le produit café affichant ces Valeurs éthiques commercialise, sous la même marque, d’autres produits ne respectant pas les mêmes exigences…). C’est la posture de « l’alter », un dissident qui représente quand même aujourd’hui 15% des consommateurs dans les pays occidentaux et qui est prêt à boycotter les marques dont les valeurs ne correspondent pas aux siennes.

Ces deux postures s’exercent en parallèle, la deuxième étant émergente.

Question 3 : le même individu peut-il alternativement adopter ces 2 postures ? peut-on à la fois être juge et complice?

La démarche publicitaire :
Analysons à présent la position des marques face à ces deux postures, et comment s’exerce la démarche publicitaire.

La marque et le produit
Il existe une différence fondamentale entre communication institutionnelle de marque et communication produit.
Si l’une renforce l’autre (cohérence), les arguments ne relèvent pas des mêmes objectifs ni des mêmes mécanismes. L’un s’appuie sur les valeurs, pratiques et engagements de l’entreprise toute entière, l’autre sert à vendre, faire préférer ce produit par rapport à ses concurrents.
Mais s’il y a incohérence entre discours marque et discours produit, c’est toute la communication qui devient incrédible et qui s’expose à la suspicion des parties prenantes (actionnaires, clients, media, société civile…). Par ex une banque qui communique sur les valeurs de respect du client et qui en parallèle commercialise et communique sur un produit éminemment non respectueux de ces valeurs comme le credit revolving ; ou un fabricant de ballons dont la publicité met en avant les valeurs du sport et qui utilise le travail des enfants pour la fabrication des dits ballons…
Question 4 : les parties prenantes sont-elles des gardes fous suffisants pour garantir la cohérence entre le dire et le faire ?

Produit : usage effectif ou usage affectif ?
Le produit n’est pas simplement un usage ou un service : il est porteur d’un univers et d’une valeur imaginaire ajoutée de la marque, qui contribuent à son identité. Mais ne va-t-on pas vers une dématérialisation du produit ?
La communication produit s’appuie sur 3 motivations principales du consommateur : la valeur d’usage du produit (à quoi il sert) ; sa valeur sociale (valorisation sociale acquise par la possession de ce produit) et sa valeur émotionnelle (plaisir imaginaire -souvent édoniste- qu’il me procure, polysensualité).
Le problème actuel est que l’équilibre entre ces 3 motivations est rompu, aux dépens de la première : la Valeur d’usage. On trouve ainsi des messages publicitaires qui vendent un produit uniquement en s’appuyant sur la promesse de combler des aspirations profondes sans communes mesure avec le produit ou dont il n’est qu’un ersatz : statut social, amour, séduction, convivialité, bonheur, santé voire même spiritualité (« écoutez votre âme » nous dit-on pour vendre des jeep Cherokee).
Ainsi, le café s’appuie sur la séduction ; les barres chocolatées (au demeurant riches à l’excès en sucres et en graisses) sur la santé ; les voitures sur le statut social ; la bière sur la convivialité ; le parfum sur l’amour... en bref, des produits qui, soit n’ont pas d’arguments différenciateurs objectifs par rapport à leurs concurrents, ou pire, dont les arguments objectifs de différenciation sont occultés au profit d’arguments purement émotionnels

Mais après tout, peut être que ces arguments émotionnels ne sont pas répréhensibles au point de vue de l’éthique puisqu’on a vu que le consommateur savait faire la part des choses entre le jeu publicitaire et la réalité!
sauf cependant lorsqu’ils valorisent des motivations contraires aux valeurs morales, comme la volonté de puissance (voitures) ; la violence (jeux video « axe du Mal ») ; le cynisme (Amex : quels que soient vos rêves), l’exacerbation de modèles de compétitivité sociale (porter des vêtements de marque chères pour obtenir reconnaissance).
Quand la communication devient manipulation mentale au service d’intérêts commerciaux sans foi ni loi, il est temps de dire stop !

D’ailleurs, le retour aux qualités produit est une tendance qui permet de retrouver le vrai sens de la communication commerciale. Cela n’empêche pas de créer un univers de marque, tout est une question d ‘équilibre … et d’éthique!

question 5: peut-on vendre un produit en s’appuyant sur toutes les pulsions humaines ?

La face cachée
La communication n’est que la traduction commerciale de la décision de mettre un produit sur le marché. Dans un monde idéal, les entreprises devraient s’interdire de lancer un produit qui soit : similaire à un produit pré-existant (mee too), inutile ( non essentiel) ou néfaste à la Société (cigarettes, alcool)…mais où commencent ces notions? les lingettes dépoussièrantes répondent à un besoin de simplification du travail de la ménagère (donc non essentiel, mais du domaine de l’accroissement du confort). Sachant qu’elles représentent parallèlement un gâchis épouvantable au niveau de la pollution, doit-on pour autant s’en passer ? qui dira quels sont les produits utiles et inutiles, essentiels et superflus ?
Les constructeurs de grosses cylindrées parleront de la sécurité des équipements, de l’habitabilité ou du plaisir de la puissance (arguments parfaitement vrais au demeurant) mais omettent de parler de la dangerosité de la vitesse et des impacts polluants. Doit-on donc interdire les voitures puissantes ?
Ou bien doit-on plus simplement mettre à disposition du consommateur toutes les informations objectives sur les produits en parallèle de la démarche publicitaire, afin qu’il puisse (s’il le désire) aller aux faits (sur internet ou sur les packagings par exemple). Mais dans ce cas, jusqu’à quel niveau de révélation des éléments constitutifs du produit aller ? et où commence le secret de fabrication ?

question 6: doit-on laisser au consommateur le soin de faire la part des choses entre les arguments publicitaires forcément positifs et la réalité des produits, et ainsi laisser aux impératifs du Marché le soin de trier entre ce qui « marche » et ce qui ne marche pas(succès ou échec commercial)
ou bien intervenir de façon autoritaire sur les Lois du Marché, en interdisant la publicité sur les produits néfastes, voire en interdisant les produits eux mêmes ?


Mensonges avérés ou simple démarche de séduction?
Il faut se garder de confondre publicité et information. L’une se veut objective et factuelle, l’autre vise à séduire. Comme dans le processus de séduction homme/femme, le message est paré d’ images exclusivement positives.
Bien sûr, le législateur et les organisations professionnelles sont attentifs à interdire toute publicité mensongère ou malhonnête (BVP, CSA, AACC), mais ils n’empêcheront pas certaines marques de déguiser habilement la vérité sous des arguments souvent fallacieux et invérifiables. Exemple : Lorsqu’une crème dessert industrielle s’appuie sur le mythe du respect de la Tradition en présentant une fabrication « artisanale » afin de mettre l’authenticité comme point fort différenciateur.
Si la séduction est une démarche constitutive de la publicité, ses limites sont celles de promettre plus qu’elle ne peut tenir (on n’est pas loin de la tromperie). Elle risque ainsi de décevoir lors de l’usage du produit. Pour construire une relation de confiance durable avec ses clients, la valeur imaginaire ajoutée ne doit pas masquer les manques du produit. Comme quoi l’éthique du marketing peut être gage d’efficacité !


• Visibilité à tout prix
Dans un univers fortement concurrentiel, la publicité doit être perçue, remarquée, d’où une escalade créative qui dépasse parfois les limites de l’acceptable. Choquer, tourner en dérision, provoquer à tout prix n’est sans doute pas éthique, mais cela est-il efficace ? (cf utilisation de la sexualité, du corps féminin ; porno chic). Sous prétexte d’être « sexy », la publicité doit-elle devenir simple distraction ?
question 7: où s’arrête la séduction et où commence l’irrespect ? et là encore, quand et comment doit-on légiférer ?

• Écrans de fumée et récup’ éthique
Chaque fois que des intérêts financiers sont en cause, il existe des effets pervers à toute tendance. Instrumentaliser l’éthique dans un but purement marketing où la sincérité et l’honnêteté sont absente au profit d’un simulacre en est un. Pour l’entreprise, la tentation est grande de bâtir une image de marque globale positive, prônant des Valeurs sociales et environnementales, mais avec un minimum d’actions les soutenant. Sentant le vent de l’éthique ou du DD, elles se hâtent de mettre en place des actions soutenant de nobles causes, alors que l’entreprise en parallèle développe des stratégies contraires. Ainsi cette marque de jouets qui, en même temps qu’elle délocalisait, réalisait une promotion sur le sauvetage des ours de Pyrénnées…
Au delà même de la malhonnêteté de ce type de position, cette incohérence expose au risque d’un revirement d'opinion négatif : la récupération marketing se perçoit : on ne trompe pas son monde longtemps et tout finit par se savoir !
D’autre part, il est parfois inefficace et sans objet de s’appuyer sur des arguments tournant autour des Valeurs pour vendre un produit naturellement meilleur (ou à valeur ajoutée supérieure à celle de son concurrent).
Question 8 : peut-on faire des Valeurs éthiques un argument publicitaire ?



Vers une communication responsable.

Publicité, le temps des responsabilités :
La société marchande en est arrivée à ses limites, en considérant le consommateur comme une machine économique, sans prendre en compte sa réelle dimension humaine et le Bien Commun.
La communication commerciale des Marques subit actuellement une crise de sens: le monde publicitaire en général est de plus en plus placé face à ses responsabilités. Une agence de publicité ne peut plus se contenter d’exécuter la demande d’un client et d’en être l’instrument (souvent talentueux au demeurant) fidèle et discipliné.

Il ne s’agit pas seulement d’une volonté de faire le Bien, mais aussi une prudente gestion des risques (le mkg viral peut fonctionner dans les 2 sens )
Le Bien, le Vrai, le Beau sont les 3 valeurs qui devraient présider à tout acte de communication et les secteurs de la communication et du marketing n'échapperont pas, à l'instar des entreprises dans leur management, à une remise en cause de certains de leurs principes de fonctionnement.
Pressés par les industriels aveuglés par leurs impératifs économiques, trompés par leurs propres convictions, ils devront prendre le recul nécessaire pour exercer leur métier autrement.
Communiquer de façon responsable, c'est tout d'abord s'adresser à la globalité de l'individu, d'abord citoyen et être humain avant d'être consommateur. Le reconnaître et le respecter comme un individu faisant partie intégrante de la société qui l'entoure, de plus en plus conscient de l'influence que ses achats exercent sur l'environnement et la société.
Cela repose sur une conviction qu'il est dangereux, pour la société entière, de traduire systématiquement TOUS les désirs de l'homme en « pulsion » consumériste, qu’il est néfaste de ne présenter toujours et seulement que le bon côté des choses et de chercher à cacher la partie « noire ».
« On ne vous reprochera jamais d’être imparfait, mais d’être arrogant et de vouloir cacher vos faiblesses » (E. Laville). Ça n’est pas impossible !
J’ai tout récemment relevé la communication de Tropicana qui informe ses clients que, la saison des oranges sanguines n’ayant pas été faste cette année en Sicile, ils ne trouveront plus leur produit habituel « sanguinello », jusqu’à la prochaine récolte. En plus de l’honnêteté, cette transparence est sans doute efficace car gage de crédibilité quant à la véracité de la provenance des produits.
question 8: assiste-t-on à la naissance d’ une nouvelle forme de publicité qui remplace l’affirmation par la conviction, la sincérité et qui avoue ses faiblesses pour en faire une force ?


Les 5 principes fondamentaux de la communication responsable

1 – Cohérence entre le DIRE et le FAIRE – sincérité et transparence
Exprimer concrètement son engagement, s'engager dans la durée. Ne pas communiquer si les changements ne sont pas significatifs. Etre cohérent dans ses pratiques avec le discours « officiel » de la marque

2 – Savoir dire non
Refuser les actions récupératrices. S'interdire les pratiques publicitaires dans certains domaines nuisibles de la société. Ne pas valoriser les valeurs et comportements néfastes à la société et donc au Bien commun : égoïsme, communautarisme, mépris de l’autre…

3 – Communiquer d'abord sur l'usage réel des produits
Vendre d'abord un produit pour ses qualités intrinsèques, et pas uniquement pour ses promesses illusoires de bonheur, c’est accepter de parler simultanément au cerveau droit et au cerveau gauche et considérer l’individu dans son intégralité

4 – Écouter autrement et respecter l’Homme
Dépasser la notion restreinte de consommateur pour replacer l'humain au centre de toute relation véritable, savoir percevoir les attentes réelles de la société. Comprendre ce que signifie réellement écouter.
POSTULAT: toute écoute véritable suppose un échange. Tout échange suppose d'accepter une possible remise en cause.

5 – Utiliser d'une façon responsable et éthique les techniques de communication actuelles
cf code de déontologie IABC

ces 5 principes sont issus ( mais un peu revus et corrigés !) des bonnes idées à retrouver sur le site de l’Econovateur

RHONE ALPES ENTREPRENDRE S'INTÉRESSE À LA RSE


Mercredi 25 avril, le thème de la rencontre du Club Rhône Alpes Entreprendre portait sur les initiatives des PME/PMI en matière d'éthique et de Développement Durable.
Geneviève Brichet était invitée pour exposer en quoi la RSE était aussi une priorité pour les petites et moyennes entreprises.

Deux entrepreneurs témoignaient de la réalité de cette mise en place: Georges FONTAINE de l'entreprise TECHNÉ (étanchéité), Franck MOLLE de AB Fonderie.
Les jeunes entrepreneurs furent vivement intéressés pour démarrer eux aussi une expérience de RSE.
C'est la librairie Musicalame (ancien lauréat Rhône Alpes Entreprendre) qui accueillait ce Club.